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L'amour du vin.

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Enrico Bernardo a été élu  meilleur sommelier au monde en 2004. Il est actuellement directeur et créateur de deux restaurants étoilés à Paris,  Goust et Il Vino.

 

Nos chemins se sont croisés à plusieurs reprises lors de dégustations, toujours autour d'un thème, le vin, et toujours pour l'amour du vin.

La dernière fois, c'était à l'hôtel George V, ou Enrico Bernardo a œuvré pendant plusieurs années, lors de la dégustation de Stéphane Derenoncourt.

Aujourd'hui, il m'a convié dans son nouveau restaurant  Goust, déjà une étoile Michelin, non loin de la place Vendôme, dans un magnifique palais Napoléon III.

Un thème nous réunit à nouveau, toujours le même, vous l'aurez deviné je pense, le vin. J'espère être à la hauteur, car Enrico Bernardo est comme vous l'avez compris l'un des plus grands dégustateurs au monde de vin.

Face à « une ceinture noire de la bouche »,  l'on est en droit de s'interroger sur ce qui a provoqué ce parcours exceptionnel, comment le petit enfant d'une famille modeste d'Italie a gagné « le mondial », comme l'on dit dans la profession.

 

Ton premier souvenir, ta première sensation en bouche.

Mon premier souvenir est une tartine de pain grillé avec de la sauce tomate que me faisait ma mère, j'avais environ quatre ans. Sur cette tartine, on y ajoutait parfois du basilic, ou de l'origan, mon goût s'est ainsi formé petit à petit.

Par la suite, la cuisine m'a permis de poursuivre ma route. A 16 ans, je suis devenu « Meilleur jeune cuisinier d'Europe ». A l'époque, pour moi le vin n'était qu'un complément à la cuisine.

Ouvrir un restaurant a toujours été un souhait de jeunesse. Je me suis donc intéressé au travail de la salle et au vin.
Et j'ai consacré 10 ans de ma vie au vin entre vingt et trente ans, afin de devenir meilleur sommelier au monde.

 

Le concours

« Le mondial » se déroule durant une semaine. Il y a plusieurs épreuves, la dégustation à l'aveugle, les accords mets et vins, la correction d'une carte de vins erronée, la décantation, et une épreuve surprise comme le cigare.

 

Les qualités d'un dégustateur.

Le travail, le travail et le travail. La mémoire et l'instinct sont aussi très importants. Il faut aussi être humble, il y a des jours avec et des jours sans.

Lors du concours, j'ai eu beaucoup de mal au début, je croyais m'être enrhumer. J'ai fait un hammam qui m'a détendu et le dernier jour j'étais au top afin de remporter la victoire. Mais dans les cinq derniers finalistes tout le monde méritait la victoire.

 

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Que représente le vin pour toi ?

Le vin est avant tout pour moi une question.
Il y a derrière un vin, un homme, un lieu, un travail, un état d'esprit.
Je suis encore surpris par les vins et j'apprends encore tous les jours.
Le vin est une école de remise en question et d'apprentissage.

Le vin pré phylloxérique de Saint-Mont, que j'ai découvert depuis peu, m'a révélé beaucoup de choses. On dit souvent que la vigne est au meilleur de sa forme entre 30 et 45 ans. Les vignes de ce vin ont plus de 150 ans, elles sont le témoignage que cette idée reçue est fausse.


La productivité de la vigne devient mauvaise avec l'âge, mais les grappes font des vins d'une grande richesse avec l'âge. J'ai d'ailleurs acheté ce vin pour ma consommation personnelle.

 

Le vin raconte plein d'histoires.

Oui, je pourrais évoquer les vins du Piémont, que j'aime beaucoup.
Après la guerre 39-45, la région a subi un exode rural important. Des viticulteurs ont abandonné leur terre, pour travailler à la ville. Le vin avait mauvaise presse. La profession semblait condamnée.
D'autres sont restés malgré tout. Aujourd'hui certains viticulteurs de la région sont connus mondialement... C'est en cela aussi que le vin a une valeur.

Un bon vin.

Il doit être agréable, digeste, et donner du plaisir. Le vin est issu du raisin. Le vin doit avoir le goût du raisin, du cépage. Le viticulteur doit respecter ce que lui a donné la vigne. Tout commence avec la grappe de raisin. Elle doit être saine, mature, belle. Comme en cuisine finalement, tout part du produit.

L'approche par millésime

Elle est essentielle, car le millésime est un indicateur du vieillissement du vin.
Certes, le vin s'ouvre et se ferme durant sa vie, ce qui pondère l'approche.
Certains vins bios viennent aussi perturber l'approche. Ils peuvent être bons ou mauvais selon les jours.
Je ne suis cependant pas d'accord sur le fait qu'il faille attendre parfois plus de 20 ans pour boire certains vins. C'est une fausse idée. Les vins peuvent être bons même jeunes. Ils ont d'autres caractéristiques, c'est tout. Il faut décomplexer le vin. L'âge n'a jamais effacé les défauts du vin au contraire. Trafiquer un vin aplati avant tout un vin.

 

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L'approche par cépage

C'est une très bonne chose, un bon début. Si une personne prend goût à boire de la Syrah. Elle s'intéressera par la suite au Rhône, puis à la Côte-Rôtie...

 

Tes cépages préférés

En blanc, le Riesling, d'Alsace ou d'Allemagne. Le Chardonnet de Montrachet.
En rouge, la Syrah du Rhône et le Nebbiolo d'Italie.

 

La mixologie

Il y a très peu de bons barmen à Paris. Le résultat dans le verre est donc souvent médiocre.


Les produits utilisés pour la préparation des cocktails sont souvent très bas de gamme. Apprendre l'équilibre entre le sucre et l'acide, par exemple, serait déjà un bon début.

 

Éduquer le palais.

Le prêt à consommer de la nourriture industrielle appauvri beaucoup le palais. Les gens mangent mal, surtout le midi.


La cuisine est un bon moyen d'éduquer le palais.
Elle m'a permis d'ouvrir tout un champ de possible au niveau du goût.

 

L'abus d'alcool.

Je pense que plus on interdit aux gens de faire des choses et plus ils sont pousser à faire ces choses.
Il faut donc permettre aux gens de découvrir les produits, les éduquer. Cela permettrait de respecter les produits et soi même.


L'éducation doit donc commencer au plus jeune âge.
Le goût se forme avec ce que l'on boit et mange. Il faut donc ouvrir les jeunes au goût, ils ne boiront plus jamais un mauvais whisky ou une mauvaise vodka en boite de nuit.

 

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Interview réalisée par Franck Taisset, pour Caleluna.fr

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