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"Les mots sans les choses"

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A propos de

  • "Aujourd'hui, le citoyen ne se pose plus de telles questions : il sait et énonce sans un doute ce qu'est une "hystérique", un "autiste" ou une "névrose". S'il boit moins de vin cuit que par le passé (des enquêtes en attestent), sa capacité à mimer la science aurait progressé au point de lui permettre d'affirmer résolument qui doit être enfermé, et dans quel compartiment de psychiatrie."
  • "Travailler dans l'événementiel", en d'autres termes dans "ce qui fait le buzz". Tel est le souhait de Younes, adolescent de 16 ans de la Seine-Saint-Denis. Quant à vous, peut-être habitez-vous dans une "ville­-monde", où le flâneur ne flânerait plus mais participerait au flux mondial d'infor­mation. Ces concepts surplombants, plaqués sur des faits ou sur des groupes sans pouvoir les relier à l'expérience individuelle, voilà ce contre quoi Éric Chauvier s'insurge. Dans un même élan, il déboulonne quelques-uns des grands penseurs du monde social. Pierre Bourdieu, Claude Lévi-Strauss ou encore Michel Foucault en prennent pour leur grade. Mais aussi les gender studies tant à la mode ou encore les théories du care. Freud s'était en son temps inquiété de l'usage intempestif des termes de psychatrie, tels que "paranoïa" ou "schizophrénie". Non par élitisme mais par peur du danger que cela représentait : employer des mots lourds de sens pour les appliquer à des situations et des personnes qui ne présenteraient aucun des critères cliniques à même d'en justifier l'emploi. Éric Chauvier dénonce à sa suite les dommages de la vulgarisation scientifique. Plus encore met-il au jour les faux effets d'autorité qui en découlent. Dans la bouche de tout un chacun, le mot n'a pour le moins rien à voir avec la chose, voire ne désigne pas grand-chose. Et pourtant on en use et en abuse comme d'une drogue. L'auteur émaille sa dénonciation d'anecdotes personnelles – par exemple, la confrontation avec un neurologue suite à l'AVC de sa femme –, qui non seulement éprouvent la validité de sa pensée mais font sentir au lecteur l'évidence de cette "maladie du langage" dont tout un chacun souffre.

Carte de visite

  • Auteur : Eric Chauvier.
  • Editeur : Allia.
  • Date de parution : 22/08/2014.
  • Collection : Petite Collection.

Mais encore

  • Éric Chauvier est né à Saint-Yrieix la Perche, en Limousin, en novembre 1971, sous le septennat de Georges Pompidou. À l'époque, il n'est pas encore contre Télérama. Ses parents sont des enseignants raisonnablement ouverts à la culture. Son enfance se passe (il ne réagit pas), l'adolescence aussi, dans une région, le Limousin, qu'il mettra un point d'honneur à redouter et à déconstruire. Quittant cette contrée qui constitue à ses yeux une énigme, il se rend, en 1989, dans la ville de Bordeaux, connue pour son vin et son port négrier. Là, il étudie la philosophie, mais, en manque d'enquêtes et, vérifiant que la crise de cette discipline est, comme l'a montré Wittgenstein, un problème de langage, il se tourne vers l'anthropologie. Il poursuit ses études en nourrissant sa dissonance. Au gré de ses missions, il est amené à enquêter sur les populations résidant près des sites SEVESO, sur les adolescents placés en institution et sur la ville. Contrairement à ce qui se dit ici et là, généralement chez les gens mal informés, il n'est pas, en 2011, professeur à l'université, mais enseignant vacataire, ce qui le situe dans une catégorie flottante d'intellectuel précaire et, en tout état de cause, interdit de le ranger, comme cela fut malencontreusement avancé, dans la catégorie des bobos. De toute façon, il résiste au classement sous toutes ses formes et va jusqu'à tirer de cette ligne de conduite une certaine satisfaction. Enfin, il vit depuis 2000 dans le pêché avec une femme qui lui fait confiance en dépit de sa situation économique, laquelle est cependant valorisée symboliquement par le fait d'avoir été publié chez Allia, ce qui a changé sa vie, qui n'est plus assimilable à un échec, mais à autre chose, qu'il s'emploie à identifier dans ses livres. Cette femme aimante lui a en outre offert deux fillettes charmantes, quoique dans un avenir acceptable au prix d'une dose colossale de naïveté. Sur un plan plus ''comportemental'' Éric Chauvier est raisonnablement angoissé et apprécie plus que tout le groupe de rock Eigties Matchbox B-line Disaster, dont la musique parvient parfois à l'apaiser durablement. Enfin, il aime le vin - le Pessac Léognan blanc surtout - et emporterait sûrement des livres d'Arno Schmidt s'il se rendait sur une île déserte, mais il n'a aucune raison d'effectuer un tel périple, parfaitement absurde pour un anthropologue.

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