Caleluna

« FRENCH KISS »

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S'il est une artiste en France capable de ménager ses effets comme personne, c'est bien Arielle Dombasle, extraordinaire icône glamour aux multiples facettes. Actrice, comédienne, chanteuse, mais aussi danseuse et metteur en scène, elle revient en mode rock'n'roll avec French Kiss, un nouvel opus concocté avec The Hillbilly Moon Explosion.

Cette collaboration aussi électrique qu'inattendue avec le quatuor anglo-helvétique, dont une demi-douzaine d'albums témoigne de la fascination pour le rock américain des fifties, montre à quel point la chanteuse née dans le Connecticut entretient une vraie passion pour la musique de ces années-là. Jazz, blues, rythm'n'blues, western-country, doo-wop et bien sûr rockabilly ont marqué son adolescence, sans jamais vraiment la quitter, ravivant dès lors des souvenirs. "Mes parents étaient très mélomanes, raconte Arielle Dombasle, mais c'est ma mère qui, ayant été élevée à New York, m'a fait découvrir la musique américaine de cette époque après notre déménagement au Mexique. Elle me faisait écouter Nat King Cole, Frank Sinatra, Bing Crosby, Ella Fitzgerald, mais aussi Ray Charles, Muddy Waters, B.B. King, Chuck Berry, Elvis Presley ou les Platters. Bien sûr, nous écoutions également beaucoup de musique classique, mais le rock a toujours fait aussi partie de ma culture et de mes goûts musicaux."

Ce n'est qu'à la suite de son arrivée en France, en 1976, qu'elle découvre véritablement le rockabilly, en plein revival international avec les Cramps ou les Stray Cats. Dans les boîtes de nuit parisiennes comme le Palace, il n'était pas rare de croiser certains raipers, bananes et cheveux gominés, costumes années 50 ou blousons de cuir sur le dos. "Je me souviens très bien d'un concert des Stray Cats que j'étais allée voir à L'Olympia en 1981. A la fin, le batteur avait jeté ses baguettes au public, dans ma direction, et j'avais pu en récupérer une. Imaginez mon émotion !" Rigole-t-elle, avant de revenir sur sa récente rencontre avec The Hillbilly Moon Explosion lors d'un concert à Paris en 2013. "Leur capacité à restituer avec une rare authenticité la force du early rock'n'roll m'a séduite, car elle me rappelait des chansons de Little Richard telles que "Tutti Frutti" ou "Good Golly Miss Holly", si bien que j'ai pensé que nous pourrions faire quelque chose ensemble." Pourtant loin des boucles synthétiques électros et autres drum-beats, qui ont parfois accompagné sa voix ces dernières années, le rock vintage du quatuor s'avère, il est vrai, d'une redoutable efficacité...

Formé en Suisse par Emanuela Hutter (guitare, chant), Oliver Baroni (contrebasse, chant), Duncan James (guitare), et Sylvain Petit (batterie), le groupe s'est fait remarquer en France après la sortie en 2010 de son quatrième album Raw Deal, enregistré à San Diego. Déjà à l'époque, sa reprise de "Chick Habit", que l'on retrouve sur French Kiss chantée en duo par Arielle Dombasle, célébrait avec le même brio une version rockabilly de la pop française des sixties, en souvenir de la chanson écrite par Gainsbourg pour France Gall ("Laisse tomber les filles"). Au printemps 2014, les maquettes s'enchaînèrent donc au rythme des séjours de la chanteuse à Zurich, où elle retrouve Emanuela et Oliver, impressionnée par leur style de vie totalement rétro, comme par leurs voitures directement sorties d'un film de Tarantino. "La mienne est une Chevrolet de 1966, précise Oliver Baroni. Elle peut vous botter le cul quand... elle n'est pas en panne !" Soupire-t-il, en anglais, cependant ravi de sa collaboration avec la chanteuse française. "Arielle a commencé à me parler des chansons qu'elle aimait, et qu'elle aimerait enregistrer, sans que je sache ce qu'elle avait fait avant, seulement que c'était une grande chanteuse, très autonome dans ces choix artistiques. En revanche, Jacques Ehrhart qui a coproduit l'album avec moi la connaît bien, ce qui nous a permis d'adapter certains morceaux à ses performances vocales dans un esprit plus glamour ou épique."

Essentiellement écrites en anglais, les chansons qu'il a composées et réarrangées pour French Kiss puisent souvent dans les codes sombres et torrides de l'Amérique des années 50, depuis la littérature, à l'instar de livres comme Hollywood Babylone de Kenneth Anger, jusqu'aux nombreux films noirs réalisés par Stanley Donen, Billy Wilder et Alfred Hitchcock, ou encore les grands westerns de Howard Hawks, mais aussi dans l'insouciance des happy days d'Après-Guerre. "C'est la vie !" Poursuit Oliver Baroni : "Parfois elle est sombre, et parfois elle est gaie..."

Enregistré à l'automne dernier dans différents studios parisiens choisis avec Ehrhart pour leurs sonorités vintage, le disque fait l'effet d'une bombe, fragmentée en une douzaine de titres plus irrésistibles les uns que les autres. Non sans rappeler qu'Arielle Dombasle s'est déjà essayée par le passé à des reprises de Billie Holiday ou Judy Garland, sa voix prend en anglais une saveur particulière, d'autant plus qu'elle multiplie les variations de styles au fil des orchestrations proposées par le quatuor. On l'entend espiègle dans le formidable doo-wop "Johnny Are You Gay" qu'Emanuela Hutter partage cette fois en duo avec elle dans une version plus joyeuse et glamour. Chacun de leur timbre vocal se complète à merveille, notamment sur "Long Way Down", dans lequel les accents juvéniles de la chanteuse suisse répondent à la voix claire et pure de la diva française, comme si Julia Stone chantait avec Rosemarie Stanley de Moriarty. Il en va de même sur la ballade mid-tempo "I'm Gonna Dry My Eyes", ainsi que sur "Walk Italian" dont le rythme ska est sublimé par de splendides arrangements de saxophones à retrouver sur le steady rock "Drive This Truck", auquel Arielle Dombasle donne un sens presque lyrique. "Ce genre d'influences jamaïcaines me sont venues avec le temps parce que, quand j'étais gamin, j'écoutais plutôt du jazz traditionnel de la Nouvelle-Orléans, se souvient Oliver Baroni. Il m'avait amené vers le boogie-woogie, puis au rock'n'roll, avec un passage par le punk à l'adolescence. Les gens voient de la nostalgie dans le rock des fifties, mais j'y trouve au contraire beaucoup de créativité pour exprimer différents sentiments toujours très actuels." Parmi les cuivres invités, ce sont aussi des trompettes mariachis qui embarquent "West Bound" en virée dans le désert à la frontière mexicaine, tout comme la nouvelle version de "Chick Habit", plus chaleureuse entre les voix des deux chanteuses.

Si Arielle Dombasle reste par ailleurs fidèle à ses légendaires mélopées fantomatiques, hantant les guitares rockabilly de "Maniac Lover", chanté par Baroni, elle brille aussi en duo avec lui sur le refrain de "Ouh La La", que ne renierait pas la greaser Olivia Newton-John. Interprété également en anglais et en français, d'une voix douce et mélodieuse, la chanson-titre "French Kiss" accueille de fantastiques cordes cinématiques western façon chevauchée sauvage, qui prennent toute leur ampleur avec l'épique reprise de "You Don't Own Me", titre chanté jadis par Lesley Gore. Un des sommets de l'album. "Ces chansons ont été enregistrées avec un orchestre de cinquante musiciens afin d'en magnifier les grands espaces !", souligne Oliver Baroni, avant d'ajouter que le single "My Love For evermore" évoque aussi la noirceur de certaines murder ballads de Johnny Cash. Premier extrait de l'album, cet excellent duo avec Nicolas Ker, auteur, compositeur du groupe «Paris» et chanteur du groupe français Poni Hoax, avec qui Arielle Dombasle a chanté au Cabaret New Burlesque du Cirque d'Hiver fin septembre 2014, nous plonge dans une ambiance country-western, à la fois sombre et lumineuse, tandis que le clip réalisé par Ali Mahdavi illustre un film noir où brillent chanteuses ou pin-up, habillées comme tout le reste du groupe par Jean-Paul Gaultier. Mais le mot de la fin revient évidemment à son héroïne : "Le rockabilly ne meurt jamais ! Over and over again" assure Arielle Dombasle, sachant qu'elle retrouvera bientôt The Hillbilly Moon Explosion sur scène pour une nouvelle aventure.

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